lundi 23 mai 2011

Economie mondiale : un avenir incertain pour les 3 - 5 prochaines années


Certains signes laissent entrevoir un rétablissement accéléré et une résilience croissante de l'économie mondiale, ce qui permettrait un retour à une politique plus traditionnelle. Il semble également que la montée en puissance des économies émergentes soit une tendance lourde et que la Chine notamment pourra mener à bien sa transition complexe vers le statut de pays à revenu moyen.

Malheureusement d'autres signes présagent une reprise économique chaotique. Dans les pays avancés, les taux de croissance prévus ne sont pas suffisants pour endiguer une dette et un déficit toujours à la hausse. Pour certains pays tels que la Grèce cela se traduit par un choix difficile entre la restructuration de la dette et la collectivisation des pertes. D'autres comme les USA seront contraints très rapidement de faire des sacrifices qui se traduiront probablement par une combinaison de montée de l'inflation, d'austérité et de "répression financière" [politique qui consiste à forcer les agents économiques à financer les déficits publics], les Etats cherchant à imposer aux épargnants des taux d'intérêt réels négatifs. Inutile de dire que l'évolution démographique, les contraintes liées aux matières premières et les incertitudes géopolitiques compliquent encore la situation.

Mais surtout, trop de budgets publics et privés sont déséquilibrés, alors que l'économie mondiale repose excessivement sur les actifs. De ce fait, il sera difficile au cours des 3 à 5 ans à venir de tenir nombre de promesses faites il y a déjà longtemps. En particulier tout un éventail de mesures sociales (par exemple en ce qui concerne la sécurité sociale et le droit à la retraite ou les indemnités chômage) pourrait être remis en question. Au niveau international, l'apport des USA à l'intérêt général (en particulier l'utilisation du dollar en tant que devise principale constitutive des réserves mondiales) pourrait diminuer progressivement. Dans la mesure où ce scénario est réaliste, les prochaines années suivront la même dynamique à vitesses différenciées que nous avons vu à l'ouvre récemment. Notamment :

- Les pays avancés seront confrontés à une croissance faible (disons 2%) et à un chômage élevé de plus en plus structurel (et par conséquent destiné à durer). Les disparités de revenus et de patrimoine déjà élevées vont continuer à s'accentuer, encore amplifiées par une inflation élevée et la répression financière. Le problème de la dette et du déficit continuera à se poser, avec la quasi certitude d'au moins une restructuration de dette souveraine en Europe.

- Les pays émergents parviendront à une croissance plus élevée (aux environ de 6%), tandis que le niveau de leur revenu et de leur patrimoine continuera à se rapprocher de celui des pays avancés. Cette évolution sera porteuse de nouveaux défis, notamment des pressions inflationnistes récurrentes et l'accroissement des entrées de capitaux, ce qui suscitera l'expérimentation de politiques innovantes.

- La solvabilité des différents pays continuera à diverger, avec une détérioration encore plus prononcée dans les pays avancés et des améliorations persistantes dans les pays émergents.

- Les différents taux d'inflation convergeront plus rapidement que prévu - celui de l'inflation globale qui est élevé et celui de l'inflation sous-jacente qui est faible, de même que celui des pays émergents qui est élevé et celui des pays sous-développés qui est faible.

- L'économie mondiale continuera cahin-caha sa transition d'un monde unipolaire vers un monde multipolaire.

Différents éléments pourraient venir se greffer sur ce scénario de base. Commençons par le coté positif. Les USA pourraient connaître leur "moment Spoutnik", autrement dit un sentiment d'unité nationale, d'un objectif commun et de sacrifices partagés, ce qui permettrait de procéder à des réformes visant à restaurer les différents équilibres à moyen terme, à soutenir la création d'emplois et à améliorer la compétitivité. L'Europe pourrait réformer la zone euro pour rendre sa dette supportable et doper la croissance. Les pays émergents pourraient augmenter le pouvoir d'achat de leur population, ce qui accroîtrait la demande mondiale.

Quant à l'économie mondiale, elle est confrontée à des défis de plus en plus nombreux pour faire face à la percée des pays émergents d'importance systémique.

Les réalignements sont complexes et désordonnés, notamment quand ils surviennent simultanément au niveau national et international et quand une croissance à vitesses différenciées, l'inflation et une dynamique de crédit sont simultanément à l'ouvre comme c'est le cas aujourd'hui. Les paramètres deviennent des variables, les rééquilibrages sont lents et inégaux et les responsables politiques sont confrontés à un nouvel équilibre entre bénéfices, coûts et risques.

Le monde qui paraît interconnecté de manière systémique se révélera aussi de plus en plus fragmenté en terme de manière de penser, avec une faible gouvernance et une faible coordination mondiale. C'est une économie mondiale dans laquelle il faut naviguer prudemment, de crainte que ceux qui voudraient bénéficier des changements n'en soient finalement les victimes.

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